Bertrand Rakoto Interview with Le Figaro “Stellantis, the star of French executives has faded”

12. 03. 25

12. 03. 25

By: Valérie Collet

French executives from PSA were numerous in Carlos Tavares’ inner circle. Since Antonio Filosa took the helm, former Fiat Chrysler executives have been setting the pace.

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Les dirigeants français issus de PSA étaient nombreux au sein de la garde rapprochée de Carlos Tavares. Depuis l’arrivée d’Antonio Filosa aux commandes, les ex-Fiat Chrysler donnent le tempo.

Où sont passés les «frenchies» de Stellantis ? Au fil des remaniements du comité exécutif du groupe, désormais piloté par Antonio Filosa, « vétéran » de feu l’américano-italien Fiat Chrysler, les ex-PSA sont devenus des spécimens rares. Le casting de l’équipe de management a d’abord été revu en février, puis en juin, en octobre et même en novembre pour la région Europe élargie. Plusieurs figures de l’équipe de Carlos Tavares, maintenues dans un premier temps par John Elkann lorsqu’il était directeur général (DG) intérimaire, ont depuis été effacées de la photo de famille. Exit Maxime Picat, le patron des achats, Yves Bonnefont, celui de la division logicielle, Brigitte Courtehoux, la chef des nouvelles mobilités, Olivier Bourges en charge de l’expérience client, Arnaud Deboeuf, le patron des opérations industrielles… Seuls quelques-uns ont été épargnés comme Grégoire Olivier, responsable de la région Chine et Asie Pacifique, Sébastien Jacquet, en charge de la qualité, ou même le DRH, Xavier Chéreau, toujours aux manettes.

Moins de six mois après l’arrivée du nouveau DG, la « leadership team Stellantis » est désormais dominée par des ex-Fiat Chrysler : sur les quatorze membres de ce comité exécutif, huit sont issus de Fiat Chrysler, quatre de PSA et deux sont des outsiders. Sous l’ère du précédent patron Carlos Tavares, les anciens de PSA étaient à l’inverse en supériorité numérique. En janvier 2021, sur les 43 dirigeants de Stellantis, 25 venaient de PSA. Ce qui suscitait la critique des équipes américaines et italiennes : l’état-major du dirigeant portugais était décrit comme une armada de « Yesmen » – des béni-oui-oui. Assiste-t-on aujourd’hui à un retour de balancier au profit de Fiat Chrysler et d’Exor, le holding familial des Agnelli (15,9% du capital) ?

L’ancrage français ne semble plus peser lourd alors que la famille Peugeot représente encore 7,9% du capital de Stellantis, et que Bpifrance en possède 6,6%. Les fidèles de Filosa sont désormais basés comme lui aux États-Unis, sauf si leur poste est directement rattaché à une autre région. 13 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis (sur cinq ans) ont été annoncés par le nouveau patron il y a quelques semaines, créant la stupeur en France et en Europe. Quant au siège européen d’Amsterdam, il a perdu de sa pertinence : le cœur européen de Stellantis est à Turin en Italie, fief des Agnelli. 

Stellantis aimanté par les États-Unis et l’Italie

À part les membres de la famille Peugeot, cette évolution ne choque plus personne sur le terrain en France. La culture de la performance de PSA et la fierté d’avoir appartenu à cette branche, paraissent s’être dissoutes dans la fusion. Filosa et son entourage semblent avoir conquis les cadres : « 30% des VP et SVP – vice-présidents et senior vice-présidents – sont français, alors que la France ne représente que 15% des effectifs », assure l’un d’eux, relayant les données communiquées dans l’Hexagone par la direction de Stellantis pour mettre les pendules à l’heure. Il n’y a aucune chasse aux Français. Beaucoup étaient arrivés à l’époque de Carlos Tavares et sont partis après son départ », observe cet ancien de PSA. Qui trouve normal que le nouveau boss s’entoure de personnes qu’il connaît et en qui il a confiance.

Même oreille bienveillante chez les syndicats. «J’avais interpellé le DRH sur le déséquilibre de la gouvernance au détriment de la France dans un courrier, souligne Laurent Oechsel, délégué syndical central CFE CGC. Lorsqu’il est venu dans l’Hexagone le 3 novembre dernier, Antonio Filosa nous a rassurés sur l’importance de notre pays pour l’ensemble du groupe. Les origines des dirigeants nommés n’ont plus autant d’importance aujourd’hui. Nous sommes un groupe mondial en pleine transformation. Il est nécessaire de faire travailler tout le monde ensemble sans chercher à savoir d’où on vient. » 

Les syndicats relèvent aussi que le dialogue social est plus ouvert. «Filosa est beaucoup plus à l’écoute», remarque le représentant de la CFE CGC. «Ceux qui sont restés apprécient que les pouvoirs soient de nouveaux délégués. Le système est devenu plus sain», remarque Bertrand Rakoto, consultant automobile aux États-Unis chez Ducker Carlisle.

Le «charme« Filosa fonctionne en interne

Comment les nouveaux dirigeants de Stellantis ont-ils réussi à convertir les équipes tricolores ? Leur recette pourrait être résumée en un mot : régionalisation. Désormais, le management de Stellantis est organisé en grandes régions mondiales, chacune pilotant ses marques, son design, ses objectifs financiers. Un héritage de la gouvernance en vigueur à l’époque de Fiat Chrysler. L’Europe élargie est désormais l’horizon des marques françaises et italiennes et des salariés, chacun étant maître chez soi. Un changement radical par rapport à l’organisation pyramidale privilégiée par Tavares, où toutes les décisions remontaient à lui et à son entourage.

D’abord choisi pour diriger cette grande zone, le Français Jean-Philippe Imparato a finalement été remplacé par un Italien, Emmanuele Cappellano, entré chez Fiat Chrysler en 2002. Mais Peugeot, Citroën et DS sont chacune supervisée par des Français bien décidés à redynamiser leurs marques en faisant vibrer la corde locale. En parallèle, plusieurs cadres français ont été promus à l’échelle européenne, dont Christophe Montavon, l’ex-directeur de l’usine historique de Sochaux qui vient de prendre la responsabilité de l’ensemble des usines européennes. 

Chaque région pilote ses marques

Le charisme d’Antonio Filosa a aussi joué pour embarquer les Français dans l’aventure. Le patron a su trouver les mots et le ton. À Poissy, où un «green campus» (centre de R&D et bureaux) flambant neuf jouxte l’usine, l’Italien est monté sur la scène de l’amphithéâtre, le 3 novembre, pour s’adresser aux cadres supérieurs en compagnie de Gilles Vidal, le célèbre designer français qui a fait la gloire récente de Renault avec les R5, R4 et nouvelle Twingo électrique, avant de revenir «à la maison ». «Nous avons tous ressenti une belle énergie, raconte un participant. Nous n’avions pas éprouvé ça depuis longtemps.» Le lendemain rebelote. Cette fois, Filosa était accompagné des patrons des marques françaises Peugeot, Citroën, DS, pour une intervention retransmise en direct auprès de l’ensemble des salariés. Le nouveau patron de Stellantis a rappelé que 2 milliards d’euros ont été investis cette année en France, tant dans les usines que dans la R&D, et que l’an prochain, 1400 embauches étaient aussi prévues. 

En revanche, l’Italien n’a pas évoqué le plan de départs volontaires mené en parallèle en France. Ni les scénarios envisagés à moyen et long terme pour l’Europe. Or, d’après les informations divulguées lundi par le Financial Times, qui aurait eu accès à des présentations internes, Stellantis aurait prévu d’abaisser sa production de 11% en France entre 2025 et 2028. «Tout le monde reste sur sa faim, en attendant le plan stratégique prévu mi 2026, reconnaît Bertrand Rakoto, de Ducker Carlisle. Mais cette prudence se justifie, vu le contexte. Les décisions européennes seront bientôt prises sur les normes d’émissions de CO2 en Europe. En Amérique du Nord, les accords commerciaux entre le Mexique, le Canada et les États-Unis sont en renégociation. Cette prudence tranche avec les déclarations provocatrices et à l’emporte-pièce de l’ancien dirigeant du groupe.» Quel que soit le contenu du plan stratégique, en Europe, les dirigeants ont compris que leur budget à l’ébauche dépendrait du niveau de cash qu’ils seront capables de dégager. «L’année 2026 ne sera pas faste, mais 2027 devrait permettre de générer des ressources supplémentaires», témoigne l’un d’eux. 

Aujourd’hui, une bataille s’est engagée au sein de la famille Peugeot, pour désigner le représentant de la dynastie au conseil d’administration de Stellantis. Un des candidats milite en faveur d’une présence plus forte de la famille au capital. La désignation devrait avoir lieu avant la fin de l’année, pour une soumission à l’assemblée générale en 2026. Mais cela ne renversera sans doute pas la suprématie des Agnelli.


Where have all the French executives of Stellantis gone? With each reshuffle of the group’s executive committee, now led by Antonio Filosa, a veteran of the defunct Italian-American Fiat Chrysler, former PSA executives have become a rare breed. The management team was first reshuffled in February, then again in June, October, and even November for the broader European region. Several figures from Carlos Tavares’ team, initially retained by John Elkann when he was interim CEO, have since been removed from the picture. Out go Maxime Picat, the head of purchasing; Yves Bonnefont, head of the software division; Brigitte Courtehoux, head of new mobility; Olivier Bourges, in charge of customer experience; Arnaud Deboeuf, head of industrial operations… Only a few have been spared, such as Grégoire Olivier, head of the China and Asia Pacific region; Sébastien Jacquet, in charge of quality; and even the HR director, Xavier Chéreau, who remains at the helm.


Less than six months after the arrival of the new CEO, the Stellantis leadership team is now dominated by former Fiat Chrysler employees: of the fourteen members of this executive committee, eight come from Fiat Chrysler, four from PSA, and two are outsiders. Under the previous CEO, Carlos Tavares, former PSA employees were, conversely, in the majority. In January 2021, of Stellantis’ 43 executives, 25 came from PSA. This drew criticism from the American and Italian teams: the Portuguese CEO’s staff was described as an army of “yesmen.” Are we now witnessing a swing of the pendulum in favor of Fiat Chrysler and Exor, the Agnelli family holding company (15.9% of the capital)?

The French connection no longer seems to carry much weight, given that the Peugeot family still represents 7.9% of Stellantis’s capital, and Bpifrance owns 6.6%. Filosa’s loyalists are now based in the United States, like him, unless their position is directly linked to another region. A few weeks ago, the new CEO announced $13 billion in investments in the United States (over five years), causing astonishment in France and Europe. As for the European headquarters in Amsterdam, it has lost its relevance: Stellantis’s European heart is in Turin, Italy, the Agnelli stronghold.

Stellantis Drawn to the United States and Italy


Apart from members of the Peugeot family, this development no longer shocks anyone on the ground in France. PSA’s performance-driven culture and the pride of having belonged to that division seem to have dissolved in the merger. Filosa and his entourage appear to have won over the executives: “30% of VPs and SVPs – vice presidents and senior vice presidents – are French, while France represents only 15% of the workforce,” asserts one of them, relaying data released in France by Stellantis management to set the record straight. “There’s no witch hunt against the French. Many arrived during Carlos Tavares’s time and left after he departed,” observes this former PSA employee, who finds it perfectly normal that the new boss surrounds himself with people he knows and trusts. The unions are equally receptive. “I had raised the issue of the governance imbalance, which was detrimental to France, with the HR Director in a letter,” emphasizes Laurent Oechsel, central union representative for the CFE-CGC. “When he came to France on November 3rd, Antonio Filosa reassured us about the importance of our country to the entire group. The origins of appointed executives are no longer as important today. We are a global group undergoing a major transformation. It is essential to get everyone working together without worrying about where they come from.” The unions also note that social dialogue is more open. “Filosa is much more attentive,” observes the CFE-CGC representative. “Those who stayed appreciate that the powers are now held by new representatives. The system has become healthier,” notes Bertrand Rakoto, an automotive consultant in the United States at Ducker Carlisle.

The Filosa “charm” works internally.


How did Stellantis’ new leaders manage to win over the French teams? Their recipe could be summed up in one word: regionalization. Stellantis’ management is now organized into large global regions, each managing its own brands, design, and financial objectives. This is a legacy of the governance in place during the Fiat Chrysler era. A broader Europe is now the horizon for the French and Italian brands and their employees, each with their own internal authority. A radical change compared to…

Source URL : https://kiosque.lefigaro.fr/catalog/le-figaro/le-figaro

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